Doc Brrown s’est lancé un défi qui a du sens

Ricardo VITA
5 min readJun 4, 2021

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Parlons de Doc Brrown, nom de scène de ce rappeur et champion de battles français, né à Luanda, en Angola, le 3 novembre 1985 et arrivé en France avec sa mère le 18 septembre 1986, où elle l’a abandonné la même année. Il n’avait que 10 mois. C’est une histoire touchante qui mérite d’être racontée. Doc Brrown veut donner un sens à sa vie, allant chercher des bribes de son histoire qui lui échappent, ces petits bouts si nécessaires qui nous manquent pour donner plus de sens à notre venue sur Terre. Son nom de naissance est José Manuel de Pinto. Avant de disparaître, sa mère a signé ses actes d’adoption et a rencontré ses parents adoptifs avec qui il vit toujours à Rennes, en Bretagne. La seule trace qu’elle a laissée est la lettre ci-dessous, manuscrite, qu’elle avait envoyée à l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides), dans laquelle elle explique les raisons de sa demande d’asile politique, et la copie de sa carte d’identité angolaise plus bas. Mais, en tant qu’Angolais qui connaît le pays et son histoire, je pense qu’il y a des incohérences dans le récit, mais de toute façon, peu importe, lisons la lettre :

« En fin 1983, je suis devenue la compagne de Pedro Domingos. Pedro faisait un peu de commerce pour vivre mais surtout il était responsable d’un groupe de prière et de partage dans son église catholique. Depuis lors, je participais aussi à ces réunions de prière. En Octobre 1984, au moment d’un raid de l’UNITA, mon père et ma mère ont été tués à un barrage près de Viana, à environ 20 km à l’Est de Luanda. En 1985–1986, notre église a commencé à avoir de gros ennuis. Nous étions favorables à l’UNITA, mais nous ne disions rien. Pourtant les voisins nous ont dénoncés à la police du MPLA, ils nous accusaient de faire de la magie. Ainsi l’attention de la police du MPLA a été attirée sur nos rencontres et sur notre groupe. Le mercredi 5 février 1985, il y avait une réunion de prière non pas à l’église qui est dans le quartier de Bacha (Baixa*) dans la ville de Luanda, mais dans la maison d’un croyant dans le quartier de Mabor. Les militaires sont venus, ils nous ont menacés et ils ont interdit de continuer nos réunions. Mais, parce que nous sommes croyants, nous avons continué. Le vendredi 18 avril 1986, il y avait une cérémonie à Mabor, mais moi, j’étais restée à la maison avec mon bébé. Les militaires du MPLA sont venus et ils ont arrêté tous les participants à la cérémonie. Mon compagnon, Pedro Domingos a donc été arrêté. Après une semaine, la police a relâché la plupart des gens, sauf les principaux responsables, dont Pedro, qui ont été enfermés à la prison de Estrada de Katete (Estrada de Catete*), en face du cimetière de …(illisible) à Luanda. Je suis allée pour le voir mais je n’ai pas pu lui parler. Le lundi 16 juin 1986, il a été jugé avec les autres. Comme ils ne voulaient pas avouer, il a été condamné à mort. Mais on ne l’a pas encore tué, il est toujours en prison où il est souvent interrogé et frappé. Parce que les responsables de notre église ne voulaient pas avouer, la police du MPLA a décidé de rechercher leurs familles pour faire avouer leurs femmes. Ainsi, la femme d’un autre responsable a été arrêtée avec toute la famille. J’étais moi-même recherchée. Le samedi 30 août 1986, j’étais absente, partie visiter quelqu’un à Villalis (Vila Alice*), un autre quartier de la ville. À 8 heures du soir, dans la nuit, les policiers sont venus chez moi, ils ont cassé la porte et complètement pillé ma maison. Une voisine m’a prévenue. Alors je me suis cachée et j’ai cherché un moyen de fuir le pays avec mon petit enfant, le fils de Pedro. Au bout de quatre jours, j’ai fini par rencontrer le chef mécanicien d’un bateau de pêche, un européen qui parlait le portugais. Il a accepté de nous cacher sur son bateau, mais il m’a maltraité pendant tout le voyage. Le bateau a quitté Luanda le 4 septembre 1986. Après quatorze jours, on m’a débarquée à Marseille, le 18 septembre 1986 et je suis venue en stop à Paris pour demander l’asile politique. Je parle un peu français parce que j’ai vécu de 1967 à 1979 à Kinshasa au Zaire chez ma tante et c’est au Zaire que je suis allée à l’école ».

Je publie ce texte en solidarité avec ce compatriote qui veut retrouver sa mère biologique. Car la guerre civile meurtrière angolaise a aussi provoqué des situations comme celle-ci et ceux qui sont passés par l’asile politique ont dû faire face à des situations douloureuses qui demandent indulgence et compréhension. Je crois aussi que cette femme appartient au peuple Kongo, qui est maintenant réparti entre l’Angola, la RDC, le Congo Brazzaville et le Gabon. Si ma déduction est juste, alors je ne doute pas qu’elle pleure encore à chaudes larmes l’absence de cet enfant qu’elle a dû abandonner, car les gens de son peuple n’abandonnent pas leurs enfants, ils sont leur principale richesse. Ainsi, je demande le soutien de toute personne détenant des informations utiles pour retrouver la trace de madame Ana Maria, née le 24 mai 1962 à Luanda en Angola, pour lui dire que son fils, aujourd’hui âgé de 36 ans, l’attend avec impatience pour la serrer dans ses bras. Voici son email : docbrrown@gmail.com

*La bonne orthographe

Crédit Photos

  1. Little Shao
  2. Liloopix

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Written by Ricardo VITA

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